Qu’on m’excuse si la chose a déjà été dite, mais il faut vraiment, après ces longs mois infectieux, virologiques, médicaux, pandémiques, que je me soulage le cœur de la laideur du mot covid. Quand il s’est agi de baptiser la maladie, n’a-t-on vraiment pas pu trouver mieux, en anglais comme en français ? Et avec un chiffre collé aux fesses, avec ça : covid-19. Je sais bien que les bureaucrates de l’OMS ne sont ni linguistes ni poètes, mais tout de même.
Moi, j’aimais bien le coronavirus. On aurait dit un nom de danse espagnole, ou de numéro de cirque gitan. C’était guilleret, rythmé, illuminé de jolies voyelles qui crépitent dans l’oreille. Alors que le covid… Je n’entrerais pas dans le débat quant au genre du mot, peu m’en chaut. N’en déplaise à l’Office de la langue française et aux Académiciens, j’ai toujours dit « le ». Je trouve « la covid » encore pire. Passons. Covid, ça sonne creux, et pas seulement à cause de la rime avec « vide » et « bide ». Ça fait un bruit de sac de farine qui tombe au fond d’un puits. C’est sourd, c’est plat, c’est terne à mourir.
Alors, évidemment, personne n’a voulu de la pneumonie de Wuhan. Pourtant, ça aurait eu plus de gueule. Et puis ça nous aurait raccrochés à la réalité, ça nous aurait aidés à appréhender la bête. Une pneumonie, on savait ce que c’était ; Wuhan, on avait appris à la situer sur une carte. Alors que le covid, c’est un machin extraterrestre. Je sais bien qu’on avait déjà eu le sida, dans le même esprit acronymique, mais je ne sais pas, c’était moins moche. Au moins il n’y avait pas cette affreuse mise en accolade avec un chiffre, à la manière des programmes informatiques. Pas qu’on eût eu de raison de se réjouir d’une contamination à la pneumonie de Wuhan ou chinoise, bien entendu, mais au moins, on aurait eu l’impression d’avoir contracté une maladie exotique, d’avoir voyagé sans bouger de chez soi. En chopant le covid-19, on est infecté par une pathologie laide et sortie de nulle part.
Enfin, je râle, mais au final, j’ai cédé. J’ai remisé mes considérations esthétiques et je dis covid comme tout le monde. Le virus nous aura aussi infligé ça.
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