L’ « écriture inclusive » comme pseudolangue : introduction à « Psychopathie et origines du totalitarisme », de James Lindsay

Ceci est une introduction à visées explicatives de l’essai Psychopathie et origines du totalitarisme, de James Lindsay. Je prends l’exemple de l’écriture dite « inclusive » pour illustrer les points de l’auteur.

L’ « écriture inclusive » est une manipulation langagière indéniable, c’est peut-être la manipulation de langage par excellence. En vertu de la thèse de Lindsay, on peut donc se demander quelle pseudoréalité elle sert. Les militants disent qu’elle est nécessaire pour mettre fin à l’ « invisibilisation » des femmes et à leur éternelle oppression par les hommes (le « patriarcat »). Voilà donc notre pseudoréalité : la réalité n’est pas ce que vous pensiez, c’est-à-dire un environnement où se mêlent plaisirs et déplaisirs, fortunes et infortunes, dont les causalités sont complexes et méritent d’être analysées avec précision et sérieux si l’on a pour but d’améliorer la condition humaine (et a fortiori féminine). Non, la réalité est en fait un monde d’une noirceur aussi abyssale qu’intolérable, gangrené par la domination masculine (responsable de tous les maux possibles et imaginables) depuis la nuit des temps et pour l’éternité, sauf si le remède proposé est adopté à grande échelle ici et maintenant. Le remède, c’est de changer la langue avec laquelle nous nous exprimons. Nous avons donc notre pseudoréalité idéologique (le patriarcat tout-puissant), nos pseudoréalistes (les militants néoféministes et tous ceux qui promeuvent cette vision du monde) et nos manipulations de langage, l’écriture dite « inclusive ».

Tout de suite, on voit qui sont les « idiots utiles » de cette idéologie : tous ceux qui considèrent que le point médian est une ineptie, mais que la féminisation systématique des noms, l’emploi d’épicènes et de doublets (« celles et ceux »), par exemple, ne méritent pas qu’on s’affole, voire valent d’être adoptés sans rechigner. Car comme le souligne Lindsay, cela revient à faire sienne une vision du monde à mi-chemin entre la pseudoréalité et la réalité, et qui n’est donc plus dans la réalité. C’est une concession faite aux pseudoréalistes et qui joue un rôle crucial dans la banalisation de la pseudoréalité. En essayant de donner du sens à quelque chose qui, par définition, n’en a pas, ces individus effectuent un blanchiment idéologique d’une immense valeur pour les pseudoréalistes. Sans ces individus (que Lindsay surnomme les « gens très intelligents », en raison de leur appartenance fréquente à la bourgeoisie éduquée — et, bien souvent, de leur arrogance), les pseudoréalités ne pourraient se propager comme elles le font. Sans ceux qui veulent bien « droits humains » et « autrice » mais qui dénoncent le point médian, l’écriture inclusive apparaîtrait beaucoup plus facilement pour l’imposture pseudoréelle qu’elle est (on peut d’ailleurs franchement parler de pseudolangue, à ce stade).

Continuons. Lindsay explique que les pseudoréalités sont le fait d’individus affectés de psychopathologies qui les rendent inadaptés à la réalité. Ils préfèrent donc inventer un monde où leurs propres pathologies peuvent s’épanouir, et forcer autrui à prendre ce pseudomonde pour la réalité, afin que l’effort d’adaptation pour fonctionner dans le monde ne doive plus venir d’eux, mais d’autrui. On voit comme cela s’opère dans le cas de notre société patriarcale oppressive : si l’on souffre de troubles psychologiques tels que l’on se sent constamment en position d’infériorité et de précarité par rapport aux hommes, il est fort pratique de considérer que cet inconfort est uniquement le fait de causes externes que l’on nommera patriarcat et oppression masculine systémique. On cherchera donc à convertir autrui à cette vision du monde, ce qui nous évitera d’avoir à résoudre nos propres pathologies, tout en s’attribuant l’autorité morale sur ce sujet.

En effet, Lindsay explique comment la paramorale, la fausse morale de la pseudoréalité, fait peser la charge morale sur celui qui ne souscrit pas à la pseudoréalité : les pseudoréalistes (ici, nos néoféministes) réussissent le tour de passe-passe de faire passer la vraie morale pour le mal absolu (le moindre scepticisme vis-à-vis de l’ « écriture inclusive » fait passer n’importe qui pour un réactionnaire de la pire espèce, un phallocrate ou un fasciste), et leur morale tordue pour le bien suprême (l’imposition à des populations entières de changements profonds et absurdes de la langue avec laquelle ils pensent, lisent, écrivent, travaillent et vivent). C’est à celui qui refuse la pseudoréalité, en l’occurrence ici la pseudolangue, de prouver qu’il n’est pas le diable en personne.

Quant à la paralogique, cette fausse logique illogique qui structure toute pseudoréalité, elle est évidente dans les dizaines d’exemples de l’absurdité que constitue l’ « écriture inclusive ». Même les adeptes enthousiastes ne parviennent à la maîtriser correctement ; les points médians sont utilisés à tort et à travers et produisent des textes dont le ridicule le dispute à l’illisible. Car la paralogique, par définition, ne respecte pas le principe de non-contradiction et n’est qu’une sorte d’illusion de logique qui ne devrait tromper personne (les idéologues ont effectivement doté leur pseudolangue de « règles », mais elles sont bancales ou impossibles à suivre). Et absolument rien ne justifie de troquer la logique véritable pour une logique bidon ne devant son existence qu’à la pseudoréalité qu’elle sert.

Résumons donc : on a avec l’ « écriture inclusive » un exemple de manipulation du langage (qui, vu l’ampleur du phénomène dans ce cas précis, mérite donc le nom de pseudolangue) au service d’une pseudoréalité idéologique (selon laquelle nous vivons dans un état d’insupportable domination masculine généralisée) possédant sa paralogique (les prétendues règles de cette novlangue) et sa paramorale (avec la dichotomie simplissime : défenseur de l’ « écriture inclusive » égale bien, réfractaire égale mal). La pseudoréalité néoféministe dispose de ses idiots utiles, ceux qui font des concessions à la lecture oppressive pseudoréelle et à la pseudolangue, réalisant ainsi un énorme travail de diffusion de la pseudoréalité au sein de la population.

Cet exposé vous semblera peut-être un peu brutal, mais je vous invite à confronter toutes ces affirmations au réel pour vous convaincre de sa pertinence et vous aider à le digérer. L’essentiel est d’y voir clair désormais et de ne plus servir le mensonge.

D’ailleurs, c’est l’évidence, mais il ne coûte rien de le préciser : ce n’est pas un tort que d’avoir le souci de la condition des femmes ; dire que la domination masculine « systémique » est une fiction ne signifie pas que la cause féministe soit nécessairement une bêtise ; les comportements machistes existent ; les violences d’hommes envers des femmes existent ; les difficultés propres liées à la condition féminine ne sont pas des vues de l’esprit. Mais s’intéresser à tout cela, vouloir répondre à ces questions de façon juste et subtile et minimiser ce qui est susceptible de causer du tort aux femmes parce qu’elles sont femmes peut, et doit, s’effectuer strictement en-dehors du cadre pseudoréel hégémonique qui nous est proposé actuellement. Il faut s’intéresser à ces questions dans le cadre de la réalité. C’est-à-dire en se reposant sur les faits, en refusant de s’attaquer à un problème en proposant des explications ou des solutions avant même d’avoir examiné la question avec rigueur et honnêteté. En acceptant que la nature complexe et imparfaite du réel n’en fait pas nécessairement un lieu « d’oppression » universelle dominé par les forces du mal. La réalité est par-delà le bien et le mal, elle est, et nous n’avons d’autre choix que de nous y soumettre. J’entends par soumission le renvoi à des critères objectifs, vérifiables pour toutes les analyses et toutes les mesures sociales qui pourraient en découler. Sans aucun compromis.

L’une des grandes forces de ce texte est justement d’aider à clarifier les idées des gens ordinaires (les gens « normaux » de Lindsay) qui manqueraient de confiance en eux pour se désolidariser radicalement des pseudoréalités proposées actuellement. Comme il l’écrit : « On peut trouver un peu du courage nécessaire pour résister en se rappelant que la pseudoréalité n’est pas réelle, que sa paralogique n’est pas logique et que sa paramorale n’est pas morale. Autrement dit : ce n’est pas vous, le problème, c’est eux. » Nous disposons dans la réalité de nos démocraties libérales héritées des Lumières de tous les outils pour améliorer notre sort. Refuser la pseudoréalité ne signifie pas refuser toute idée de progrès, cette insinuation est une arnaque paramorale des pseudoréalistes.

J’ai choisi l’exemple de l’ « écriture inclusive » pour faciliter la lecture à ceux qui n’auraient pas encore l’intuition de ce qu’une pseudoréalité pourrait recouvrir actuellement, mais j’aurais pu en choisir d’autres. Je vous laisse passer l’actualité en revue et trouver d’autres exemples par vous-mêmes…

Pour conclure, James Lindsay vise ici à alerter sur les dangers (d’ordre civilisationnel) que font porter les pseudoréalités sur nos sociétés, et la façon dont, en affaiblissant psychologiquement les individus au moyen de paralogiques et de paramorales maniées par des psychopathes à visées utopistes, elles peuvent aboutir à des systèmes totalitaires destructeurs. C’est pourquoi il faut radicalement s’opposer à toute colonisation de nos esprits par des pseudoréalités, quelles qu’elles soient. C’est un texte touffu, qui se médite et se rumine, mais un outil formidable pour retrouver sa liberté et un manuel précieux pour résister aux tentatives d’endoctrinement.

Retrouvez James Lindsay : @ConceptualJames et Philosophette : @_Philosophette_ sur Twitter

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